EME Connecting F6KBF (France) to K9MRI (Ohio USA)via the moon at 144MHz

Un QSO d’exception

Tout a commencé il y a 2 jours sur le chat ON4KST quand un OM envoie un lien sur le site de l’ARRL qui annonce le contest EME. Là, j’apprend que, pour les bandes 50 à1296MHz, la première partie aura lieu le 22 et le 23 octobre, et la seconde partie les 19 et 20 novembre.

Dans le radio-club, rien n’est prêt, nous n’avons pas d’élévation, pas de polarisation adaptative, pas de SDR, bref, nous n’avons pas la capacité EME. Mais je me suis rappelé qu’en 2012 lors des premiers essais en MAP-65, nous avions pointé la 11 éléments (à l’époque) vers la lune, et au moment du coucher, nous avions pu décoder des signaux.

Le principal problème que nous allons rencontrer est le phénomène de démultiplication de la bande. En JT-65, il est possible de caser 3 ou 4 stations dans 1 seul kilohertz, alors la bande 2m devient immense, et si on ne sais pas quelle fréquence écouter, on est certain de ne rien entendre. En temps normal, les OM prennent rendez-vous sur des ‘chat’ comme N0UK ou HB9Q , mais je sais aussi que les plus grosses stations n’utilisent pas ces ‘chats’ pour trouver des correspondants.

Avec la 10 éléments DK7ZB qui se trouve au sommet du pylône, et malgré les 500W du P.A., nous faisons partie des QRP. Ce sont des stations qui n’ont pas la possibilité d’entendre leurs échos, mais qui peuvent contacter des stations avec de grandes antennes et avec beaucoup de puissance. Ce que l’on appelle les BIG GUNs dans le jargon. Et c’est la réception de grosses station que je vise.

Pour savoir quelle fréquence écouter, je pense au site LiveCQ qui est l’équivalent EME des ‘reverse beacon’ en décamétrique. Ce sont des stations équipées de SDR, qui sont capable d’écouter une bande de fréquences de 96KHz de large, et qui peuvent décoder tous les signaux dans cette bande grâce au programme MAP-65. Ces stations envoient le résultat de leur décodages au site internet LiveCQ qui les diffusent. Ce sera notre principale source d’informations.

Arrivé au club vers 13H, nous commençons par lancer le programme de décodage, nous utilisons WSJT-10 (c’est une version assez ancienne mais bien adaptée). Les données astronomiques nous fournissent la position de la lune, elle est encore à 25° d’élévation, nous avons le temps de nous préparer. Dans cette manip, il n’y a pas de poursuite automatique : nous allons devoir assurer manuellement le positionnement de l’antenne. Heureusement, celle-ci se déplace lentement par rapport à l’observateur.

LiveCQ nous donne tout de suite une série d’indicatifs avec leur fréquences, et je repère immédiatement une de ces grosses stations HB9Q (que j’ai eu l’occasion de visiter il y a 2 ans). Le récepteur est placé sur sa fréquence, et tout de suite un signal apparaît à l’écran. Malheureusement, au décodage, les signaux ne montrent pas le ‘retard’ de 2,5s qui représente le trajet Terre-Lune-Terre à la vitesse de la lumière. Nous recevons donc HB9Q en direct, par l’arrière de l’antenne. En EME, c’est assez fréquent car la P.A.R. est énorme, et des stations (relativement) proches peuvent s’entendre même si les antennes sont pointées dans la même direction. Le retard de 2,5s est donc systématiquement contrôlé pour s’assurer que les signaux ont bien fait le voyage aller-retour.

La première station que nous entendons via la lune est DF0MU, mais nous pouvons le contacter facilement en tropo, et nous continuons notre recherche de correspondants lointains. Pendant ce temps, la lune descendait lentement et était passée sous les 20° d’élévation.

C’est à ce moment que nous avons décodé notre première station américaine : K9MRI. Par expérience, il est plus difficile d’entendre un américain que l’Afrique du sud. Tout le problème réside dans le fait que nous avons environ un écart de 90° en longitude avec les Etats-Unis, et qu’un signal émis en polarisation horizontale là-bas, va revenir en polarisation verticale, et nous n’avons pas d’antenne pour cette polarisation. Vu la force du signal reçu, nous entrons son indicatif dans le programme et commençons à lui répondre. Mais immédiatement le signal disparaît, même sur LiveCQ, il n’est plus indiqué… Nous restons un peu sur la fréquence, mais rien n’y fait et aucun signal n’est visible : il a purement et simplement disparu.

Pendant ce temps, la lune continuait lentement à descendre, et en corollaire, les stations située les plus à l’est perdaient la lune et n’alimentaient plus LiveCQ, ce qui réduisait le nombre des informations disponibles. Au moment où la lune est arrivée sous les 10° d’élévation, je décide de retourner sur la fréquence de K9MRI car je pense que notre réception doit s’améliorer au fur et à mesure que la lune entre dans le lobe principal de la 10 éléments. En cherchant un peu, je finis par retrouver le signal de K9MRI qui me semble plus faible que tout à l’heure, et soudain, comme c’est souvent le cas sur la lune, les choses s’accélèrent.

Le signal reçu devient plus fort, une vérification sur LiveCQ montre que plusieurs stations européennes l’entendent à nouveau. Il ne m’en faut pas plus, et je valide le passage en émission. Daniel à beau me dire que je perd mon temps, je reste accroché à ce bon vieux principe : si je l’entend, il devrait m’entendre à peu près aussi fort. Et avec 500W, il ne peut pas avoir 10dB de puissance de plus que moi…

Les minutes passent, la lune descend doucement, je surveille toujours le signal JT-65 à l’écran qui reste bien stable. Et en moins de 5mn la réponse arrive sur l’écran :

F6KBF K9MRI EN70 OOO

Le reste du QSO n’est qu’une formalité : ce sont des notes alternées dont le décodage est beaucoup plus facile que les indicatifs. Pour commencer RO, puis RR et enfin 73. A chaque minute nous avançons d’une étape et le QSO est terminé en moins de 10mn. Ce QSO marque le retour du radio-club en EME après plus de 30ans d’absence, mais il a été réalisé avec de petits moyens par rapport à ce qu’il nous a été nécessaire à l’époque pour réaliser les 21 premiers QSO via la lune. L’arrivée dans les années 2000 des modes numériques et du gain qu’ils apportent par rapport à la CW a rendu possible ce QSO.

Au chapitre statistiques, EN70UI est un nouveau locator (mais il s’est est fallu de peu : EM69 qui est le carré juste au sud a déjà été fait!). Il se trouve à 6554 km de Maisons-Laffitte, mais ce n’est certainement pas la plus grande distance. Et puis, il ne faut pas oublier que les ondes radio on eu à parcourir près de 800000km en réalité ! Ce n’est probablement pas un nouvel état (OHIO), mais il se trouve à 70km au nord d’une ville appelée Dayton…

Une petite recherche sur google montre que K9MRI n’est pas le premier venu : son antenne est constituée de 8 antennes M2 XP28, il a la polarisation adaptative (ce qui a probablement rendu le QSO possible).

Le DX, ça vous tombe dessus sans prévenir… encore faut-il savoir (et oser!) le provoquer.

 

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